Une femme d'argent by Hector Malot

Une femme d'argent by Hector Malot

Auteur:Hector Malot
Format: epub


XXII

Si grande hâte qu’il eût d’aborder cette affaire et de revenir à Nogent avec les trois cent mille francs qu’il avait promis à madame Fourcy, il ne pouvait pas se présenter trop tôt chez son père, qui n’était point visible le matin.

Ce n’était point en effet la coutume de M. Charlemont de coucher dans son appartement de la rue Royale, et son valet de chambre pouvait compter les jours où il avait vu rentrer son maître avant dix heures du matin. Mais entre dix et onze heures il arrivait régulièrement ; c’était même la seule régularité de sa vie gouvernée en tout par la fantaisie ou le hasard, et alors on était certain de le trouver procédant à sa toilette ou déjeunant.

Cette heure était pour lui la plus remplie de sa journée, car bien qu’il n’employât aucune teinture ni aucune composition plus ou moins infaillible « pour réparer des ans l’irréparable outrage », il donnait beaucoup de temps à sa toilette, ayant toujours eu au plus haut point le culte de sa personne qu’il soignait avec amour, et qu’il admirait complaisamment avec une entière bonne foi. Peut-être n’y avait-il pas à Paris de cabinet de toilette plus vaste, plus confortable que le sien, et où l’on trouvait autant de brosses, de peignes, de fers, de ciseaux, de pinces, d’éponges, de bassins de toutes sortes et de toutes formes, depuis l’argent jusqu’à la faïence. C’était dans cette pièce qu’il donnait ses audiences intimes, autant parce que cela lui était commode, que parce qu’une sorte de coquetterie féminine lui faisait prendre plaisir à se montrer avec tous ses avantages pour bien prouver que l’âge n’avait pas de prise sur lui.

Quand Robert arriva rue Royale il trouva son père dans ce cabinet, assis devant une fenêtre, le torse à moitié nu, les jambes nues, se faisant les ongles, soigneusement.

– Ah ! c’est toi, dit M. Charlemont, sans s’interrompre, je t’ai attendu hier.

– Il m’a été impossible de venir, je vous fais mes excuses.

– Enfin, c’est bon ; puisque te voilà, nous avons à causer... sérieusement ; je n’ai rien voulu te dire chez Fourcy, à cause de Fourcy, mais la langue m’a plus d’une fois démangé, car je n’aime pas à retenir ce qui me vient aux lèvres. Et ce qui me venait, c’étaient des reproches. J’en ai appris de belles à mon retour. Cent mille francs dépensés et des dettes.

Robert ne répondit rien ; d’abord parce qu’il n’avait rien à répondre ; ensuite parce que ce n’était pas le moment de contredire son père.

– L’argent dépensé, c’est bien, continua M. Charlemont ; je n’insiste pas là-dessus, tu es jeune et tu as pu te laisser entraîner, bien que cet entraînement conduise à quatre cent mille francs par an, ce qui est beaucoup, tu en conviendras. Mais des dettes, toi, mon fils ; le nom de Charlemont chez des usuriers, cela, c’est trop : elle t’a donc affolé cette femme ?

Il avait dit ces derniers mots sévèrement, avec mécontentement, presque avec indignation quoique



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